Stéphane Hardel, consultant en marketing stratégique et en communication pour Carrefour, nous livre son analyse au sujet de cette quatrième édition du Grand Prix DataCréa.
Que pouvez-vous partager avec nous de cette édition du Grand Prix DataCréa ?
La force de ce prix est d’explorer ce que la data peut offrir à la créativité et donc comment elle peut aider à la différenciation au-delà d’une plus grande personnalisation. Ensuite je retiens la diversité d’expression de la data au travers de cas pluriels. Cela a donné un panel très exhaustif d’utilisation de la data en fonction du contexte, des objectifs, des enjeux mais aussi et surtout de la compréhension des cibles.
Sur quels critères le jury s’appuie-t-il pour analyser toutes ces campagnes ?
Nous avons souhaité récompenser les dispositifs qui apportaient de la valeur aux cibles, au-delà des seuls objectifs business. La data pour la data ne construit rien, s’il n’y a pas au bout une réelle utilité pour la cible. C’est cette utilité (qui s’exprime par exemple par une plus grande personnalisation) qui doit permettre aux campagnes d’être moins intrusives tout en étant plus pertinentes. N’oublions pas que la publicité doit être capable de toucher les cœurs et la raison sans pour autant s’imposer.
L’enjeu désormais pour les marques, c’est de réussir à aboutir à une data intelligente. Le nombre et le type de sources de données ne cesse de croître et leur analyse demeure beaucoup trop « silotée ». Il faut casser les silos pour agréger toutes les données afin d’obtenir une plus grande pertinence. Certains dispositifs que nous avons analysés ont réussi à accomplir cela, mais ce n’était pas le cas de la majorité. Pourtant, des solutions techniques existent, elles sont sans cesse perfectionnées.
De quelle manière la data doit transformer le processus créatif d’après vous?
La data peut bien évidemment être au service de la créativité dans la mesure où elle aide les marques à mieux connaître leurs cibles, à être au plus près de leurs préoccupations. Avec les insights qu’elle procure, la data rend le brief bien plus riche. Elle nourrit ainsi le processus créatif, qui devient à son tour plus puissant.
Le risque aujourd’hui pour les marketeurs, c’est de se concentrer davantage sur les outils et la technique, au détriment de l’ADN de marque. La tentation est d’utiliser la data de manière trop tactique et opportuniste en oubliant les fondamentaux de la marque (brand equity). Et donc de diluer la marque à terme au travers d’une multitude d’actions déconnectées les unes des autres. Bien au contraire, la data doit être au service de la marque pour en assurer la cohérence sur tous les points de contact. Il faut qu’un concept créatif fort et déclinable, directement issu de la mission de marque, puisse irriguer toutes les expériences que la marque propose à ses cibles (que l’on parle de nouveau service ou encore de campagne publicitaire) et ce, quelles que soient les plateformes ou canaux de diffusion. Les outils existent, à nous de veiller à cette cohérence.
Je crois que nous sommes à un moment charnière où la créativité, au-delà de la seule logique marketing, devrait de plus en plus driver les innovations technologiques afin de permettre aux marques de continuer à étonner et à « enchanter » leurs consommateurs.
* Vous trouverez plus d’informations sur les membres du jury du Grand Prix DataCréa 2020 ici.
Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre