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Nous sommes dans la phase de prise de conscience

Vous avez écrit un livre, avec Mickaël Berrebi et Pierre Dockès, baptisé La Nouvelle Résistance, Face à la violence technologique. Qu’entendez-vous par violence technologique ?

Auparavant, la violence légitimée était la violence d’État : l’État se veut porteur d’une exigence qui lui autorise un pouvoir sur les individus, c’est la raison pour laquelle la population admet qu’il dispose d’une armée, et qu’il puisse soumettre les individus à la guerre, par exemple. Aujourd’hui, nous retrouvons à peu près les mêmes éléments, notamment cette capacité d’imposer des exigences à des individus chez les grandes entreprises technologiques, les GAFA. Ils se substituent aux États et reportent cette violence légitime sur les individus. La mécanique est la même : d’un côté, c’est une violence qui s’impose par la protection, de l’autre par les services que ces entreprises rendent.

Cela signifie-t-il que la data est dangereuse selon vous ?

C’est la manipulation de la data qui est dangereuse : le fait de stocker, diffuser, interpréter des données sur les caractéristiques des individus. Car l’interprétation de ces données est une sorte de lien qui nous empêche d’avoir une conception libre des sujets.

Pourtant, on l’a vu lors du Grand Prix Data & Créativité, la data peut aussi servir la créativité…

Bien entendu. Les data sont des instruments importants, depuis toujours. Tout dépend de qui les manipule…

Comment voyez-vous l’avenir, face aux GAFA ?

La perspective la plus vraisemblable, c’est que les grandes entreprises technologiques cherchent à se substituer aux États. Leur capacité de financement est aussi forte qu’un État, et le monde va être dominé par entreprises de technologies ultra-dominatrices. Dans les années à venir, les États vont se révolter. Mais en ont-ils la possibilité ? C’est une lutte qui va avoir lieu. Ils sont moins puissants technologiquement. Il faut réguler, démanteler. C’est ce qui finira par arriver.

Mais ces grandes entreprises de la Tech ont-elles vraiment la volonté de prendre le pouvoir ?

Elles sont impérialistes par nature, donc n’ont aucune limite dans le besoin de puissance. Mais nous sommes dans des schémas très connus. A un moment, lorsque la prise de conscience politique sera effective, il y aura conflit. Cela viendra des États. Déjà, les choses ont changé depuis ces dernières années. Certains parlent de démantèlement des GAFA. Les individus eux-mêmes prennent conscience qu’ils sont privés de leur capacité d’analyse et rejettent certains services. Nous sommes dans la phase de prise de conscience.

*Jean-Hervé Lorenzi est président du Cercle des économistes et co-auteur de La Nouvelle Résistance, Face à la violence technologique.