Nicolas Corrochano
directeur général associé de Programmads en France
Nicolas Corrochano
directeur général associé de Programmads en France
L’écosystème numérique change, rendant les acteurs de la communication encore plus dépendants des plateformes. Pour les éditeurs et les marques, le développement de leurs propres bases CRM et autres données propriétaires devient impératif. Mais est-ce à portée de tous ? Éléments de réponse avec Nicolas Corrochano (Programmads)*.
La donnée dite « first party » est-elle à la portée de toute marque ? Pourquoi ?
Absolument. Chaque environnement digital crée des données 1st party. Ces données sont accessibles pour chaque entreprise. Il est par contre crucial de bien les structurer afin de les rendre actionnables.
Collecter des données pour une entreprise revient à capter de la donnée first party. Cela s’exprime par un éventail très large d’informations à disposition d’une entreprise : des cartes de fidélité, des numéros de téléphone, des adresses e-mail, des informations sur des commandes passées, des acomptes versés, la fréquence d’achats de produits, des contacts effectués avec le SAV, etc. Puis surtout toutes les données disponibles à partir du site internet ou applications de la marque : le temps passé sur le site, les transactions, les pages consultées, etc. Finalement, nous pouvons résumer cela comme tout contact avec la marque.
Ces données sont accessibles sans réelles technologies avancées nécessaires, même s’il faut paramétrer ces programmes et collectes, sans que cela soit particulièrement coûteux afin de capter ces informations.
Cette même donnée est-elle un passage obligé pour une communication de qualité ?
Oui. Cadrons le contexte. Nous avons tous déjà fait l’expérience. Nous consultons un site d’achat en ligne, voyages, chaussures, parfums, nous en sortons et quand nous nous connectons à un autre site ou à un réseau social, nous recevons une publicité ciblée sur ce même produit. Cela n’arrive pas par magie. Quand nous consultons un site web, nous sommes confrontés à des cookies, des fichiers déposés sur notre disque dur (ordinateur, téléphone, tablette) et qui conservent des informations en vue d’une connexion ultérieure. Comment cela fonctionne ? Le premier site internet a déposé sur le second, avec qui il est connecté par des serveurs publicitaires, des informations (par le biais des fameux cookies tiers) concernant l’internaute. Ce transfert de données de façon automatique va disparaître.
Et si nous prenons plusieurs des dernières études de Salesforce et de Harvard Business Review depuis 2019, la conclusion est que les consommateurs rejettent les communications publicitaires qui ne sont pas conçues sur mesure pour eux. Autrement dit, des consommateurs attendent des marques qu’elles connaissent leurs besoins et leurs attentes. Ceci s’inscrit dans la mouvance des ad blockers et de l’irritation rapide des consommateurs lorsque la publicité n’est pas qualitative et personnalisée, critères de base d’une communication propre.
En résumé, il faut avoir une stratégie de collecte des données claire, optimiser la qualité des données récoltées et ensuite actionner ces données afin d’avoir une communication efficace, grâce à la data.
De quelles alternatives disposent les marques sans taille critique ni accès direct vers les consommateurs ?
L’enjeu de ce sujet n’est pas spécialement sur la taille de l’entreprise mais sur la dynamique et l’habitude à mettre en place un marketing digital de qualité. On en revient à votre première question. L’entreprise doit aujourd’hui se concentrer sur ses données first party plutôt que sur les data tierces (soit des données achetées) La disparition des cookies tiers en 2023 (les « 3rd party cookies », en résumé la data qu’un annonceur achète à des fins de remarketing digital) implique une réorganisation profonde de la gestion des campagnes de publicité numérique.
Cela touche toutes les sociétés qui font de la pub digitale (annonceurs, agences, éditeurs/médias, outils), peu importe le secteur. N’oublions pas que la finalité pour une marque, c’est d’avoir la possibilité de communiquer à son audience cible d’une manière efficace et donc avoir des données qui lui permettent de le faire.
Quel accompagnement propose Programmads aux marques et aux éditeurs sur ce sujet ?
Nous proposons deux types de services à nos clients. Nous fournissons des technologies à nos clients qui permettent de capter, analyser, centraliser et gérer les first party data afin d’exploiter ces données à fins de marketing digital. Nous faisons partie par exemple d’une courte liste de sociétés (une en Belgique, sept en France) qui sont certifiées par Google pour fournir les outils de la Google Marketing Platform (leaders sur le marché) aux marques, agences et éditeurs.
D’autre part, nous accompagnons les marques qui arrivent chez nous avec des questions business très spécifiques. Ces questions sont résolues par le prisme de la gestion de la donnée. Prenons un exemple concret : dans les télécoms, le bancaire ou l’énergie, diminuer le taux d’attrition (le churn) de son portefeuille client de quelques points de pourcentage peut avoir rapidement un impact financier très important. À partir des données dont dispose l’entreprise sur ses clients, collectée de façon consentie, il devient possible de créer des modèles prédictifs pour identifier les profils les plus à risques, afin de s’adresser à eux avec les bons messages, des promotions personnalisées ou un appel du service client.
Luciana Uchôa-Lefebvre