Data : posons-nous les bonnes questions

La data est entrée dans les mœurs. Mais beaucoup reste à faire pour en tirer le meilleur parti. Anne-France Allali et Jacques Deregnaucourt (Ipsos)* nous l’expliquent.

 

Quelle est la plus importante promesse de la data pour les annonceurs aujourd’hui ?

J.D. : Cela fait plus de dix ans que la data digitale est exploitée et que l’industrie teste et vérifie ses promesses, dont la plus importante est de permettre de comprendre les individus, les sociétés et les marchés. Mais il faut distinguer l’existence de la data de ce que l’on en fait véritablement. Il n’y a pas de promesse de la data sans une compréhension préalable de ce que l’on souhaite en faire et un traitement cohérent en conséquence. Les sources de données pour savoir le « quoi » et le « comment » foisonnent. Mais les marques doivent avant tout déterminer pourquoi elles souhaitent s’en servir. C’est seulement une fois que l’on connaît les questions auxquelles on souhaite répondre que l’on peut choisir les sources de données qui conviennent. C’est toute la complexité de ce sujet. Une énorme base de données ne veut rien dire si on ne sait pas à quoi elle doit vraiment servir. Choisir les bonnes données, les « cleaner », les traiter et les faire parler pour répondre aux questions business est la seule promesse valable.

A.-F.A. : Il faut en effet partir d’une question métier. Très souvent la réponse la plus pertinente se trouve dans la combinaison de plusieurs sources de données (données d’études, navigation, CRM, écoute sociale, etc.).

Pensez-vous que les marques ont compris et savent explorer le potentiel offert par les données ?

A.-F.A. : La plupart des marques l’ont compris. En revanche, on est encore loin d’avoir exploré tout le potentiel des données. Je pense, par exemple, à l’analyse prédictive ainsi qu’à toutes les sources émergentes de données non structurées, ou celles générées par les objets connectés. Ceci étant, le plus important reste la capacité à bâtir des ponts entre des données très différentes les unes des autres en termes d’origine, de format, etc. Même au sein des entreprises, il peut y avoir des données tout à fait pertinentes qui ne communiquent pas. Il existe encore de nombreux silos à lever afin d’intégrer et de mettre en perspective différents jeux de données pour atteindre un niveau encore plus abouti de connaissance et d’insight.

J.D. : Un risque important qu’il faut savoir éviter, c’est de s’enfermer dans toujours les mêmes données. Les données sociales sont en effet géniales, mais si on ne se sert que de cela, on risque de se baser sur une vision déformée de la réalité. Elles complètent remarquablement des données structurées pour aller chercher d’autres éléments, capter les signaux faibles, un mode de consommation insoupçonné par exemple. Le marketing de précision est un outil précieux mais il est important de l’associer à d’autres approches complémentaires pour continuer d’alimenter la force de la marque.

Existe-t-il des limites au data marketing et à la publicité personnalisée ?

J.D. : Il est important d’être en mesure d’identifier des micro-communautés et leurs différentes attentes pour y répondre de manière pertinente et précise. Mais l’erreur serait de ne faire que cela. Diffuser le bon message à la bonne personne au bon moment c’est formidable mais cela ne suffit pas. Il faut aussi veiller à l’equity de la marque, sa force, son rôle, etc. La connaissance doit nourrir la créativité, pour que cette dernière n’ait pas de limites !

A.-F.A. : Les marques ont pris conscience de l’importance d’accorder une place à l’inconnu. Les programmes de personnalisation de la communication sont beaucoup moins mécaniques qu’auparavant. On pousse volontairement des messages qui ne sont pas conçus pour un segment précis. Les marques tiennent de plus en plus compte de la part de mystère et d’inattendu propre à l’esprit humain.

Vous avez participé au jury du 4e Grand Prix DataCréa dont le palmarès sera dévoilé le 21 janvier. Quels faits marquants pouvez-vous partager avec nous ?

J.D. : J’ai été frappé par la diversité des cas. Il y a une forte complémentarité entre des campagnes où la créativité se place dans l’utilisation même de la donnée et celles avec des dispositifs assez simples mais donnant lieu à une richesse créative très forte. Un autre aspect très important qui émerge est la recherche du lien profond avec les clients. Les marques quittent le terrain purement transactionnel. Elles font des efforts considérables pour établir une relation forte avec les consommateurs. Beaucoup reste encore à faire néanmoins en matière de mesure de performances.

Contenu réalisé en collaboration avec Ipsos

* Anne-France Allali est directrice de l’Organisation Client d’Ipsos en France et Jacques Deregnaucourt directeur général adjoint d’Ipsos en France.