Magali Mayanda (Air France KLM) explique pourquoi l’utilisation créative de la data n’est plus vraiment une option pour les marketeurs et les agences à un moment où les marques doivent se transformer.
De quelle manière la data transforme-t-elle l’industrie de la publicité ?
L’utilisation de la data dans l’industrie de la publicité éclaire l’évolution du rôle des agences auprès des annonceurs. Je distinguerais trois époques.
Tout d’abord celle, historique, de la publicité traditionnelle, qui a vue dans la data un moyen de post-rationnaliser des choix stratégiques et créatifs très souvent intuitifs. La data ici sert à justifier des idées par des études, tests et données « froides » qui viennent appuyer et confirmer une démonstration et un ensemble de choix.
Celle qui s’est ensuivie, d’optimisation et de recherche de performance, une ère moderne dans laquelle la data joue un rôle majeur dans la distribution des campagnes et leur monitoring, où la segmentation des audiences et la digitalisation des usages permet une personnalisation des messages.
Aujourd’hui, le sujet pour un annonceur n’est plus seulement d’optimiser son business mais de plus en plus souvent de le transformer. Ceci implique que les agences soient, au même titre que d’autres parties prenantes, des agents de la transformation des marques, en allant au-delà des enjeux de communication pour toucher à l’ensemble de l’expérience client. Cela exige d’avoir une culture de la data plus proche du business, dans la captation, l’analyse et l’utilisation créative de la donnée. C’est une data qui occupe une place plus importante – en quelque sorte « tout commence et se termine par la data » –, ce qui ne veut pas dire qu’elle se substitue à l’intuition et la créativité. Au contraire, elles fonctionnent de pair.
Comment marier data et créativité ?
Il y a une expression qui est devenue au fil du temps assez populaire dans la profession : data-driven. Le data driven suggère que la « data drive » tout. Ce n’est pas forcément une bonne chose (et ce n’est pas très réaliste). Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas une place pour le data-driven à un moment donné, mais la créativité a avant tout besoin d’être « data-informed », c’est-à-dire nourrie en continu par des éclairages que seule la data peut apporter.
Par exemple, lorsque nous avons créé le Jet Lag Social Club* avec l’agence Isobar, nous sommes partis d’une analyse des données comportementales des membres Flying Blue. On part d’un ensemble de voyageurs qui font régulièrement des longs courriers et on imagine ensuite comment ils vivent leur voyage, quel est leur état d’esprit à destination, quel service peut jouer un rôle dans leur expérience. La data est un formidable starter de créativité et joue un rôle tout au long de la maturation de l’idée, dans un dialogue qui n’impose jamais rien mais vient nourrir la réflexion, une sorte de cadre.
* Le décalage horaire est une expérience difficile pour beaucoup de voyageurs. Le Jet Lag Social Club est une application mobile qui propose des expériences personnalisées aux voyageurs à toute heure du jour ou de la nuit. Pour le moment, l’application accompagne uniquement les voyageurs à destination de Tokyo.
Magali Mayanda est directrice du marketing et de la communication du programme de fidélité Flying Blue. Elle a rejoint le groupe Air France KLM en 2002.
Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre