À l’affiche

Benoît Bertrand
Directeur général adjoint et directeur de la stratégie
Isobar France

« La créativité, c’est une machine à combattre l’indifférence »

Pour Benoît Bertrand* (Isobar France) la relation client a tout à gagner avec la créativité, à l’intersection de la connaissance client, du storytelling et des services.

Jamais les marques n’ont disposé d’autant de moyens et d’outils pour entrer en contact avec leurs cibles. Pensez-vous qu’elles en font bon usage ?

Il y a clairement aujourd’hui un sujet d’émergence, d’impact. On a beaucoup parlé des ad blockers, de la fin des cookies, de la perte de vitesse des médias supportés par la publicité (au profit d’expériences payantes, libérées des interruptions commerciales). Tout cela est vrai et doit nous alerter. Mais il y a aussi, plus simplement, un danger d’indifférence de la cible par rapport à ce qu’on lui raconte. L’obsession pour la distribution des campagnes et la sophistication des outils ne doit pas nous faire oublier une question essentielle : est-ce que ce qu’on raconte est visible, spécifique, intéressant et mémorable ?

Vous défendez une vision où la relation client gagnerait à être nourrie d’une culture créative. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est précisément dans ce contexte-là que la créativité n’a rien perdu de son impact. La créativité, c’est une machine à combattre l’indifférence. C’est notre meilleur outil pour exister dans la vie de nos cibles et c’est une responsabilité que nous avons vis-à-vis du temps qu’elles nous accordent. La relation client n’a pas la maturité sur ces questions d’autres activités créatives. Elle doit inventer sa propre grammaire pour exploiter tout son potentiel, à l’intersection de la connaissance client, du storytelling et des services. Les marques nées de la technologie sont plutôt en avance sur ces sujets-là mais dans la plupart des cas, l’expérience et la relation restent les grands territoires à conquérir pour la créativité.

Qu’est-ce que vous entendez par design de service ? Et comment cela peut participer à l’amélioration de la relation client ?

Il y a deux grandes inspirations créatives pour faire progresser la relation client. La publicité, qui reste un formidable terrain de réflexion et d’invention pour la communication des marques ; et puis il y a le service design pour sa culture de l’adoption et de l’usage. La relation, c’est comprendre les besoins clients, capturer des envies inassouvies, identifier des points de frictions et imaginer une façon de transformer tout ça en expériences positives, qui vont renforcer le lien à la marque. Tout ça, le design de service le fait très bien. Donc il faut s’en inspirer. Isobar France a par exemple imaginé pour Flying Blue, le programme relationnel d’Air France KLM, un service qui permet de découvrir une ville au rythme de son jetlag. C’est une façon de nourrir la relation avec un service qui libère d’une friction et en fait un point de différence.

Quelle est d’après vous la spécificité du CRM qui pourrait servir d’atout pour les marques pour améliorer leur interaction avec leurs clients et prospects ?

Notre industrie (publicitaire, achat média… au sens large) s’est construite autour d’un biais : celui de l’acquisition. Il suffit de regarder un siècle de purchase funnels : ce qui se passe après l’achat est soit absent soit très pauvre. Et si notre industrie fait le choix de représenter les choses ainsi, ce n’est pas le reflet de l’expérience client. Le client, lui, sur la plupart des marchés, passe beaucoup plus de temps à vivre avec son achat qu’à préparer celui-ci. C’est ce décalage qui représente une opportunité pour les marques : une page banche à remplir d’interactions légitimes, utiles, personnalisées, connectées au business. La compréhension des motifs, comportements, la segmentation client (sur la base des profils qui représentent une valeur importante pour le business de la marque par exemple), qui sont au cœur du pilotage de la relation, peuvent aussi irriguer plus largement la marque, informer sa stratégie et alimenter les autres formes de créativité qui la construisent. Là aussi, les marques nées de la technologie ouvrent la voie.

*Benoît Bertrand  est directeur général adjoint et directeur de la stratégie chez Isobar France.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre